Des fois je vois passer des choses sur la transidentité qui me hérissent le poil et me font grincer des dents. Je ne parle pas uniquement de transidentité homme/femme, mais de toute transidentité (par oppposition à la cis-identité) : la non-binarité, la fluidité de genre, être xénogenre etc
Je tiens à rappeler quelques principes :
- la base de la transidentité, c'est l'autodétermination de son genre
- la dysphorie de genre n'est pas un pré-requis à la transidentité
- aucune transition n'est requise pour être trans
La base de la transidentité, c'est l'auto-détermination de son genre
La très grande majorité des gens, s'est vu assigner une identité de genre (généralement homme ou femme) à la naissance (généralement en fonction de ses caractères sexuels primaires, ie penis ou vulve respectivement). Parfois la différence n'est pas "évidente" (l'intersexuation) et les parents (avec le chirurgien) vont en choisir une quand-même.
Quand la personne est à l'aise et ne remet pas en question cette assignation de genre faite de façon arbitraire à la naissance on dit qu'elle est cis-genre.
Cette assignation de genre conditionne notre place dans la société (notre société fait une différence entre les hommes et les femmes, et leur attribue des rôles en fonction de ce genre, et en attend des comportements et positions sociales)
Or certaines personnes finissent par remettre en question cette assignation de genre faite à la naissance. Ça peut-être très jeune comme plus tard (comme moi par exemple). Dans mon cas je n'ai pas compris pourquoi j'étais un garçon, j'aurai voulu être une fille (d'ailleurs quand le soir je devais faire ma prière au Bon Dieu, je lui demandais de faire que je me reveille en étant enfin une fille).
Le manque de représentation, de vocabulaire pour définir ce qu'on ressent peut faire que la personne va mettre plus ou moins longtemps à exprimer ce désaccord. À titre personnel, j'étais persuadée jusqu'à l'âge de 44 ans que j'étais folle, un monstre. Que j'étais la seule à ressentir ça, et donc qu'il ne fallait pas que j'en parle (surtout pas à mes parents). C'est seulement en 2014 que j'ai découvert le mot trans et surtout que je n'étais pas la seule.
Quand on remet en question cette assignation de genre faite à la naissance, pour en choisir une autre, quelle qu'elle soit, on est ce qu'on appelle une personne trans.
Les racines "cis" (« du même côté ») et "trans" (« de l’autre côté ») viennent du latin. On les retrouve par exemple dans Cisjordanie et Transjordanie, qui sont des régions de part et d’autre de la vallée du Jourdain. On les retrouve aussi dans cisalpin et transalpin.
Et c'est à la personne de définir son genre. Ce n'est à personne d'autre (coucou les juges devant qui on doit passer pour juger si on peut ou pas changer de genre à l'état-civil) C'est l'auto-détermination. Seule la personne sait ce qu'elle ressent. Elle seule sait si elle se sent femme, homme, agenre, genderfluide, xénogenre etc ...
Dans mon cas je me sens femme, et c'est ce que j'ai choisi d'être. Je n'ai pas à m'en justifier. D'autres se sentent agenre et c'est pareil : c'est comme ça, ça ne se discute pas.
Et bien sûr vous avez le droit de vous tromper (la fameuse détransition). Qui n'a pas fait de choix dans sa vie qu'iel a fini par regretter : un mariage, un investissement foireux, un tatouage, des enfants, etc
La dysphorie de genre n'est pas un pré-requis à la transidentité
Souvent on entend des personnes nous dire (à nous personnes trans) que si on ne fait pas de dysphorie de genre (généralement à vouloir en mourir) alors on n'est pas des vrai·e·s trans
Parfois des personnes trans "vivent bien" leur genre assigné à la naissance pendant de nombreuses années. J'ai pas honte de dire que j'ai été à une certaine époque un connard, à faire des blague misogynes et bien d'autres choses que je tolère plus aujourd'hui. C'est même parfois un mécanisme de défense (je ne cherche pas à excuser mes comportements passés, j'assume avoir été un connard à une certaine époque et je demande pardon à toustes celleux que j'ai bléssé·e·s ce faisant). Des gens comme Daisy Letourneur en parlent bien mieux que moi.
Toujours est-il qu'il n'y a pas besoin de vouloir s'ouvrir les veine pour être une personne trans valide (coucou la SOFECT qui ne voulait pas prendre en charge les patient·e·s "pas assez dysphoriques")
C'est le fait de remettre en question le genre qui vous a été assigné à la naissance fait de vous une personne trans.
Vous pouvez très bien questionner votre genre, vous dire que finalement ça vous va et rester une personne cis-genre. Vous pouvez le faire plusieurs fois même. Et puis un jour vous pouvez vous dire "en fait non". Vous serez alors une personne trans. Et ça sera tout aussi valide qu'une personne trans qui aura commencé une transition à l'âge de 4 ans
Ce qui nous conduit à ...
Aucune transition n'est requise pour être trans
J'entends souvent parler qu'il y aurait des "bon·ne·s trans" qui performent leur genre, c'est à dire qui font une ou des transitions.
Grosso modo, on pourrait distinguer 3 types de transitions:
- une transition sociale
- une transition administrative
- une transition médicale
Aucune n'est indispensable, chacune peut avoir des degrès de complétude différents d'une personne à l'autre.
Transition sociale
Il s'agit de se presenter, à plus où moins de personnes, dans le genre souhaité à des degrès divers:
- prénom
- pronoms
- apparence: vêtements, cheveux, maquillage, accessoires, etc
Chacun·e applique ce qu'iel a envie. On n'est pas obligé de transitionner socialement.
Transition administrative
Il s'agit de faire reconnaître par l'état ce changement de genre. En général il y a :
- changement de prénom(s) (en mairie) à l'état-civil
- changement de genre à l'état-civil (en justice)
Transition médicale
Il s'agit de mettre son corps en accord avec son genre
- hormonothérapie
- chirurgie d'affirmation des caractères sexuels primaires (vaginoplastie, phalloplastie, etc.)
- chirurgie d'affirmation des caractères sexuels secondaires (mammoplastie, torsoplastie, mastectomie, etc.)
- chirurgie maxilo-faciale
Encore une fois aucune de ces opérations n'est obligatoire pour être trans. Leur but est que la personne soit mieux dans son corps, mieux perçue dans son genre par les autres. Certaines personnes n'ont tout simplement pas les moyens financiers pour les faire.
En résumé
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être trans c'est de l'auto-détermination
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pas besoin de faire de la dysphorie pour être trans
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pas besoin de faire une transition sociale ni administrative voire médicale pour être trans
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être transfem, transmasc, non-binaire, agenre, xenogenre c'est tout aussi valide
Merci aussi de ne pas faire de critique matérialiste de la transidentité, surtout envers les personnes non binaires, les personnes qui n'ont pas entammé une transition. Certaines personnes ne sont pas out (pour des tas de raisons), ça n'en fait pas moins des personnes trans comme les autres.
Et être trans n'a aucun rapport/lien/impact sur la sexualité. Ce sont deux choses différentes, mais dont les combats sont les mêmes et ont les mêmes causes et mêmes buts. Combats que nous partageons avec le féminisme et toutes les minorités.
Bienvenue dans l'intersectionalité