La Trilogie de L'empire

Extrait de la couverture de l'édition française de 2013 du tome 1 de la Trilogie de l'Empire chez Bragelonne. On y voit une jeune femme de dos dans un kimono devant un paysage. Au loin une des batiments d'inspiration japonaise traditionnelle.

La trilogie de l'Empire, composée de Fille de l'Empire, Pair de l'Empire et Maîtresse de l'Empire, coécrit par Raymond E. Feist et Janny Wurts, est une extension de l'univers de Midkemia et Kelewan, s'insérant dans le cadre plus large des Chroniques de Krondor tout en offrant une perspective totalement unique et immersive.

On y suit l'ascension de Mara, jeune héritière de la maison Acoma, qui doit jongler avec les intrigues politiques, les guerres de pouvoir et les traditions rigides de l'Empire Tsurani pour protéger sa famille et assurer sa survie. Mara se révèle une stratège brillante, capable de naviguer dans un système dominé par des règles complexes et implacables.

Note: j'ai lu cette trilogie trois fois, en anglais. Ne possédant pas l'édition française, il se peut que j'ai mal traduit certains noms par rapport à la traduction officielle (j'ai quand même cherché sur les internets avant)

Resumé

La Trilogie de l’Empire raconte l’ascension de Mara des Acoma, une jeune femme plongée dans les intrigues politiques de l’Empire tsurani après la mort de sa famille. Héritant d’une maison noble affaiblie et entourée d’ennemis, notamment la puissante maison Minwanabi, Mara doit naviguer dans un monde régi par des traditions patriarcales et un jeu politique impitoyable.

Mara utilise son intelligence et sa capacité à penser différemment pour déjouer ses adversaires. Elle forme des alliances inattendues, comme avec les guerriers Cho-Ja, et manipule les règles du Grand Jeu, où l’honneur et la ruse dictent la survie. Elle se lie également à Kevin de Midkemia, un guerrier esclave qui lui offre une perspective critique sur la société tsurani, remettant en question ses traditions oppressives et le rôle des femmes.

Au fil des intrigues, Mara affronte non seulement ses rivaux nobles, mais aussi des forces plus profondes, comme les mystérieux Prêtres des Ombres, qui tirent les ficelles de l’Empire. Sa lutte pour protéger et élever les Acoma la mène à des victoires éclatantes, mais au prix de lourds sacrifices personnels. Malgré sa réussite, Mara reste une figure solitaire, liée par son devoir à un système qu’elle cherche à changer de l’intérieur.

Avec son mélange de ruse, de courage et de sens politique, Mara devient une force incontournable dans un univers impitoyable, incarnant à la fois le pouvoir et le prix qu’il exige.

Extrait de la couverture de l'édition française de 2013 du tome 2 de la Trilogie de l'Empire chez Bragelonne. On y voit des bateaux de type oriental sur une rivière. Une ville d'inspiration japonaise traditionnelle borde la rivière.

Les personnages

Mara des Acoma

Héroïne principale, elle est la dirigeante de la maison Acoma.

Elle est introduite comme une jeune fille sur le point de prendre le voile pour devenir prêtresse, mais elle est brutalement arrachée à sa destinée lorsque sa famille est décimée par une machination politique.

Elle incarne une évolution spectaculaire : d’une jeune femme inexpérimentée à une stratège brillante, capable de naviguer dans le système rigide de l'Empire Tsurani tout en le défiant subtilement.

Points forts : Sa ruse, son pragmatisme, et sa capacité à exploiter les failles du système pour protéger son clan.

Aspect humain : Malgré son ambition, elle reste profondément attachée à ses proches et à son honneur. Elle souffre des sacrifices qu’elle doit faire, ce qui la rend très attachante.

Défis majeurs : Son combat contre les maisons ennemies, notamment les Minwanabi, tout en préservant l’indépendance et la dignité des Acoma.

Kevin de Midkemia

L’amant de Mara et un esclave d'origine midkemienne.

Kevin est un soldat capturé pendant la guerre des failles, ce qui lui donne une perspective extérieure sur l'Empire Tsurani. Son franc-parler, son humour et sa vision moins rigide des traditions contrastent fortement avec la culture tsurani, apportant un souffle d’air frais dans un univers souvent étouffant.

Rôle dans l'intrigue : Kevin aide Mara à remettre en question certains aspects du système Tsurani, notamment l'esclavage et le rôle des femmes. Leur relation est centrale dans l'histoire, mais elle est aussi un point de tension en raison de leurs origines et de la position sociale de Kevin.

Aspect symbolique : Kevin incarne la possibilité de changement et de remise en cause des traditions immuables.

Nacoya

Ancienne servante des Acoma et conseillère de Mara, Nacoya est une figure maternelle pour Mara, la guidant avec sagesse dans les premiers jours de sa gouvernance. Elle est profondément attachée à la maison Acoma et représente la voix de la tradition et du devoir.

Rôle narratif : Sa relation avec Mara met en lumière le conflit entre les traditions tsurani et les changements que Mara tente d’instaurer.

Keyoke

Commandant en chef des armées des Acoma, Keyoke est un guerrier vétéran qui a consacré sa vie à la défense et à la survie de la maison. En tant que mentor militaire et conseiller, il aide Mara à naviguer dans le Grand Jeu, bien que sa vision plus conservatrice entre parfois en conflit avec les stratégies audacieuses de sa maîtresse. Il admire le courage et l’intelligence de Mara, mais il est initialement sceptique face à certaines de ses décisions non conventionnelles, comme son alliance avec les Cho-Ja ou ses manœuvres politiques risquées. Malgré cela, il s’adapte et apprend à lui faire confiance.

Rôle naratif: Keyoke incarne l’esprit des Acoma et rappelle à Mara les valeurs fondamentales de la maison qu’elle défend.

Lujan

Commandant des armées de Mara après la retraite de Keyoke, Lujan est un guerrier loyal, connu pour son habileté au combat et sa dévotion à Mara. Bien qu’il soit entièrement dévoué à son devoir, il n’hésite pas à exprimer ses opinions, surtout lorsqu’il s’agit de protéger les Acoma.

Rôle narratif : Il agit comme un pont entre la rigueur militaire et la flexibilité politique de Mara.

Arakasi

Maître espion au service de Mara, Arakasi est un personnage mystérieux et brillant, dont les réseaux d’espionnage sont essentiels à la survie des Acoma. Sa loyauté envers Mara est inébranlable, bien qu’il opère souvent dans l’ombre.

Rôle narratif : Il symbolise l’importance de l’information et de la stratégie dans un monde où la force brute ne suffit pas.

Les Cho-Ja

Alliés extraterrestres des Acoma, les Cho-Ja sont des insectoïdes intelligents vivant dans des ruches. Ils possèdent une culture propre et sont politiquement neutres, ce qui les rend des alliés précieux. Mara établit une alliance novatrice avec eux en leur offrant des terres en échange de soutien militaire, ce qui bouleverse les règles du jeu politique tsurani.

Rôle narratif: Les Cho-Ja représentent l’ingéniosité de Mara pour briser les normes et trouver des solutions innovantes.

Hokanu des Shinzawai

Allié et intérêt amoureux secondaire de Mara, Hokanu est un noble d’une maison alliée, intelligent et honorable, qui développe une relation complexe avec Mara. Il représente une alternative plus traditionnelle à Kevin, offrant à Mara la possibilité d’un mariage politique avantageux.

Rôle narratif : Sa présence accentue les dilemmes de Mara entre ses sentiments personnels et ses responsabilités politiques.

Tecuma et les Minwanabi

Famille rivale et ennemie jurée des Acoma, les Minwanabi sont la principale menace pour Mara, responsables de la mort de sa famille. Tecuma, le chef de la maison, est un adversaire rusé et cruel, prêt à tout pour écraser les Acoma. Leur rivalité est un moteur central de l’intrigue, avec des affrontements politiques et militaires où chaque décision peut signifier la survie ou l’extinction d’une maison.

Les Magiciens

Les magiciens dans la trilogie de l’Empire jouent un rôle secondaire mais néanmoins crucial dans le fonctionnement de l’univers de Kelewan. Contrairement à d'autres récits de fantasy où la magie est au centre de l'action, ici, elle est davantage une force politique et utilitaire, intégrée dans le cadre strict et ritualisé de l'Empire Tsurani. Ils sont indépendants des maisons nobles, ce qui leur permet d'agir sans être directement impliqués dans les intrigues politiques. Cependant, leur pouvoir leur confère une importance stratégique, et ils jouent souvent un rôle clé dans les alliances ou les conflits. Appelés appelés Très-Puissants, leur parole est loi. Bien qu'ils soient censés être neutres, ils peuvent être "loués" ou placés sous contrat par des maisons nobles, ce qui en fait des outils précieux pour ceux qui peuvent s’offrir leurs services. Ils sont le véritable pouvoir de l'Empire, soumettant un peuple docile depuis un millénaire. Or, ces Robes Noires voient en Mara une menace pesant sur leur antique puissance.

Rôle naratif : Ils incarnent la mort, le pouvoir destructeur et l’équilibre universel, rappelant constamment que la vie et le pouvoir sont éphémères. Cependant, leur influence va bien au-delà du spirituel, puisqu’ils manipulent également les affaires politiques et économiques de l’Empire.

Le Grand Jeu

Le Grand Jeu est une compétition politique sans merci entre les grandes familles nobles (les Maisons) de l’Empire tsurani. Il est le cœur de la vie politique et sociale de l'Empire tsurani, et l’un des éléments centraux de la trilogie de l’Empire. Ce système complexe de rivalités, d’intrigues et de luttes pour le pouvoir structure les relations entre les grandes maisons nobles, définissant leur survie et leur ascension ou leur chute.

Le Grand Jeu est bien plus qu'un simple mécanisme narratif: il symbolise la rigidité et la brutalité de la société tsurani, où l'honneur, les traditions et les intrigues règnent. Mara des Acoma, en jouant et en gagnant à ce jeu complexe, incarne le défi face à un système oppressif, montrant que même dans un cadre aussi rigide, il est possible de changer les règles à son avantage.

Pour Mara, le Grand Jeu est à la fois une menace mortelle et une opportunité : c’est en maîtrisant ses subtilités qu’elle parvient à rétablir la puissance de sa maison et à défier ses ennemis.

Les règles du Grand Jeu

Elles sont façonnées par les valeurs tsurani, notamment l’importance de l’honneur, du prestige familial et du respect des traditions. Le prinipal objectif est d'accumuler prestige, pouvoir et influence, tout en diminuant celle des autres. Les règles explicites sont peu nombreuses, mais les intrigues, alliances, mariages arrangés, sabotages économiques, duels d’honneur et assassinats subtils en constituent les principaux outils. Une erreur ou une perte de face peut entraîner l’annihilation totale d’une maison et de ses membres.

L’une des caractéristiques distinctives du Grand Jeu est l’importance accordée à l’honneur et à l’apparence. Les actions, même les plus violentes ou subversives, doivent toujours respecter les codes tsurani pour ne pas risquer la désapprobation publique. Par exemple, un assassinat doit être déguisé en accident ou être justifié par des insultes à l'honneur. Toute humiliation publique peut détruire une maison. Le prestige, ou la perception qu’ont les autres de la puissance et de l’honorabilité d’une maison, est souvent plus important que les forces militaires ou économiques réelles.

Ces règles font du Grand Jeu une danse délicate où chaque mouvement doit être calculé avec soin.

Les maisons nobles de l’Empire

Elles sont les principales participantes au Grand Jeu. Il existe une hiérarchie stricte en leur sein. Certaines maisons sont très puissantes (comme les Minwanabi), tandis que d'autres, comme les Acoma au début de la série, luttent pour leur survie. Les rivalités sont héréditaires. Les conflits entre certaines maisons durent depuis des générations, alimentant des cycles de vengeance et d’intrigues. Chaque maison dispose de moyens variés pour manœuvrer dans le Grand Jeu:

Extrait de la couverture de l'édition française de 2013 du tome 3 de la Trilogie de l'Empire chez Bragelonne. On y voit un majestueux chateau en pierre d'inspiration japonaise traditionnelle.

Analyse

La trilogie de l’Empire est souvent citée comme l’une des œuvres les plus marquantes de la fantasy politique. Elle a influencé de nombreux auteurs en montrant qu’un récit de fantasy pouvait être aussi complexe et nuancé qu’un roman historique. Elle est également remarquable pour son exploration de thèmes rarement abordés dans ce genre, tels que les inégalités sociales, les stratégies économiques, et le rôle des femmes dans des sociétés rigides.

Inégalités sociales

Les inégalités sociales sont un thème central de la trilogie de l’Empire, abordées de manière nuancée à travers la structure rigide et hiérarchique de l’Empire tsurani. Janny Wurts et Raymond E. Feist utilisent cet univers pour explorer les oppressions systémiques, qu’il s’agisse des divisions de classe, des rôles de genre ou des conditions d’esclavage. Ces inégalités ne sont pas seulement décrites, mais souvent contestées, notamment par le biais des décisions et des réformes mises en œuvre par Mara.

La société tsurani : une hiérarchie oppressive

La société tsurani est fondée sur une structure rigide où les inégalités sont institutionnalisées.

Les familles nobles règnent sur leurs terres et leurs sujets avec une autorité presque absolue (ils ont le droit de vie et de mort sur leurs terres). Les vies des classes inférieures, notamment celles des paysans, artisans et esclaves, sont sacrifiées pour servir les ambitions politiques des élites dans le cadre du Grand Jeu.

La majorité de la population est composée de travailleurs qui n’ont aucun pouvoir politique ou droit réel. Ils dépendent de la protection de leur maison noble, mais cette "protection" est souvent précaire.

En bas de la pyramide sociale se trouvent les esclaves, qui sont considérés comme de simples biens. Leur existence est marquée par des privations et un manque total de droits. Les femmes : Les femmes tsurani, même issues de la noblesse, sont largement confinées à des rôles subalternes. Elles sont souvent réduites à des instruments pour conclure des alliances politiques à travers le mariage.

Ces structures reflètent une société où la mobilité sociale est pratiquement inexistante et où le poids des traditions maintient l’ordre établi.

Critique des inégalités à travers le regard des personnages

Les inégalités sont confrontées à travers différents personnages et leurs points de vue, notamment ceux de Mara et de Kevin de Midkemia.

Mara, bien qu’issue de la noblesse, devient un personnage qui remet en question les fondements de la société tsurani. Dès le début, elle se démarque par sa capacité à traiter ses sujets et alliés avec un respect inhabituel pour l’époque. Par exemple, elle négocie avec les Cho-Ja en tant qu’égaux, plutôt que de tenter de les exploiter. Sa relation avec Kevin de Midkemia la pousse à reconsidérer le système esclavagiste. Bien qu’elle ne puisse pas abolir l’esclavage à grande échelle, elle introduit des pratiques plus humaines au sein de la maison Acoma, comme la possibilité pour certains esclaves de gagner leur liberté ou de servir dans des rôles plus valorisants. Mara ne se contente pas de survivre dans le système ; elle exploite les failles des traditions tsurani pour les modifier subtilement. Elle montre que le changement est possible même dans un cadre rigide.

Kevin, en tant que guerrier de Midkemia capturé et réduit en esclavage, apporte un regard extérieur sur les inégalités de la société tsurani. Pour lui, la rigidité et la cruauté des structures sociales tsurani sont presque incompréhensibles. Son rôle est de remettre en question les éléments que les Tsurani considèrent comme "normaux". Sa perspective critique pousse Mara à voir sa société sous un nouvel angle. Par exemple, il souligne l’inhumanité du système esclavagiste et la manière dont les traditions oppressives nuisent à l’évolution de l’Empire. Bien qu’esclave, Kevin joue un rôle crucial en inspirant Mara à défier les conventions, notamment dans ses réformes sociales et sa volonté de protéger ses gens de manière plus juste.

L’esclavage dans l’Empire

L’esclavage est une institution omniprésente dans la société tsurani, utilisée comme un outil de domination et d’exploitation économique. Ils sont échangés, vendus ou donnés comme des biens, et leur valeur dépend de leur utilité. En voyant Kevin, un guerrier libre réduit à l’esclavage, Mara et les lecteurs perçoivent l’absurdité et la cruauté de ce système. Bien qu’elle ne puisse pas abolir l’esclavage dans l’Empire, Mara montre une humanité inhabituelle en permettant à certains esclaves de gravir les échelons au sein de sa maison.

Stratégies économiques

Les stratégies économiques occupent une place essentielle dans la trilogie de l’Empire, où la survie et la prospérité des maisons nobles dépendent autant de la gestion économique que des intrigues politiques ou militaires. Elles ne se contentent pas de servir de toile de fond ; elles sont au cœur de la survie et du succès de la maison Acoma. L’économie devient un champ de bataille subtil pour Mara, qui exploite les ressources, les alliances et les failles du système tsurani pour renforcer sa maison face à des rivaux plus puissants.

L'économie de l'Empire tsurani repose sur plusieurs piliers. Chaque maison noble contrôle des terres, des villages, et des ressources naturelles qui constituent la base de leur richesse. Les roturiers et esclaves travaillent pour produire des biens, tandis que les nobles en tirent des revenus. Les artisans et commerçants sont organisés en guildes strictement réglementées, ce qui limite l'initiative individuelle mais assure une certaine stabilité économique. Les échanges avec Midkemia (via la guerre des failles) introduisent de nouveaux biens et opportunités économiques, bien que cela reste en marge pour la majorité des Tsurani.

L'économie comme outil dans le Grand Jeu

L’économie n’est pas isolée de la politique dans l’Empire tsurani ; elle est un levier de pouvoir essentiel dans le Grand Jeu. Les maisons rivales n’hésitent pas à employer des tactiques économiques pour affaiblir leurs adversaires, comme le blocus commercial ou la destruction des ressources ennemies. Contrairement à d’autres maisons qui se concentrent uniquement sur la force militaire ou les alliances politiques, Mara comprend que la solidité économique est la clé de la longévité.

L’introduction de Kevin de Midkemia dans l’histoire permet une comparaison avec l’économie plus fluide et libérale de son monde natal. L’économie tsurani, bien qu’efficace dans son organisation, est limitée par son manque de souplesse et sa dépendance excessive aux traditions. Kevin partage des idées de liberté économique et sociale qui influencent Mara dans ses décisions, bien qu’elle doive adapter ces concepts à la réalité tsurani.

Rôle des femmes dans des sociétés rigides

La Trilogie de l'Empire peut être considérée comme une œuvre qui porte des thématiques féministes, bien qu'elle ne soit pas explicitement militante. À travers son héroïne et les défis qu’elle affronte dans un monde dominé par des hommes et des traditions rigides, le récit explore de nombreux thèmes liés à la place des femmes dans des sociétés patriarcales et la manière dont elles peuvent exercer du pouvoir.

Mara : une héroïne féministe ?

Mara est une figure féminine puissante et complexe, ce qui est notable dans un genre souvent dominé par des héros masculins ou des figures féminines secondaires.

Mara débute comme une jeune fille vulnérable, apparemment destinée à être manipulée par le système patriarcal tsurani. Cependant, elle refuse ce rôle passif et utilise son intelligence, sa détermination et sa capacité à déjouer les attentes pour non seulement survivre, mais prospérer.

Elle est défi un aux normes de genre. Dans l'Empire Tsurani, les femmes sont généralement confinées à des rôles de soutien, comme épouses, mères ou prêtresses. Elle renverse cette dynamique en devenant la dirigeante incontestée de sa maison. Mara s’impose dans des sphères traditionnellement masculines, comme la guerre et la politique.

Elle ne lutte pas contre le système en force brute, mais en exploitant les failles des traditions tsurani. Cela reflète une forme de "féminisme stratégique", où l’on trouve des moyens de contourner les restrictions imposées par la société.

Les relations de Mara avec les hommes

Mara est entourée de figures masculines, chacune représentant un aspect différent du patriarcat ou de la possibilité de changement. Ces relations mettent en lumière la manière dont elle négocie son pouvoir dans un monde façonné par les hommes.

L'allié égalitaire. Kevin est un personnage clé dans la dimension féministe du récit. En tant qu’étranger à l’Empire Tsurani, il apporte une perspective différente, remettant en question les normes oppressives qui régissent la société. Il traite Mara comme une égale et l’encourage à défier les traditions, notamment en critiquant ouvertement l’esclavage, le patriarcat et l’injustice sociale. Leur relation repose sur un respect mutuel, ce qui contraste avec les attentes tsurani où les femmes doivent se soumettre à leur époux.

Une lutte constante pour la légitimité. Les ennemis de Mara, comme les membres de la maison Minwanabi, la sous-estiment souvent en raison de son genre. Cette dynamique est un moteur récurrent de l’intrigue, car Mara utilise leur préjugé contre eux, les surpassant par son intelligence et sa ruse.

Loyauté et respect. Lujan et Arakasi, loyaux et compétents, reconnaissent rapidement la valeur de Mara en tant que dirigeante. Leur respect est basé sur ses actions et son leadership, indépendamment de son genre.

Les thématiques féministes dans la trilogie

Le pouvoir des femmes dans une société patriarcale: la trilogie illustre comment une femme peut prendre et exercer le pouvoir dans un système qui lui est hostile. Mara ne renverse pas directement le patriarcat tsurani, mais elle démontre que les femmes peuvent prospérer même dans un cadre oppressif, en utilisant l’intelligence, la stratégie et la résilience.

Sacrifices et compromis: Mara doit souvent choisir entre ses aspirations personnelles et son devoir envers sa maison. Par exemple, ses relations amoureuses avec Kevin et son rôle de mère sont souvent relégués au second plan pour assurer la survie des Acoma. Cela reflète un dilemme fréquent pour les femmes dans des positions de pouvoir.

Déconstruction des rôles traditionnels: en intégrant des guerriers cho-ja (des insectoïdes souvent perçus comme hors norme) dans ses stratégies, Mara montre qu’elle est prête à rejeter les traditions et les attentes rigides de sa société. Cette subversion des normes se retrouve également dans son traitement égalitaire des esclaves et ses alliances avec des individus d’origines variées.

Une vision nuancée du féminisme

Bien que la trilogie soit écrite dans un contexte (années 1980-1990) où le féminisme littéraire n’était pas toujours au centre des préoccupations, elle aborde avec finesse des problématiques qui résonnent encore aujourd'hui.

Une victoire incomplète: Mara ne détruit pas le patriarcat tsurani ni ses structures oppressives, mais elle montre qu’une femme peut non seulement survivre, mais aussi prospérer dans ce système. Cependant, ses victoires personnelles n’abolissent pas les inégalités systémiques pour les autres femmes.

Une réflexion sur le changement progressif: L'influence de Kevin et les décisions de Mara montrent que le changement culturel est lent et progressif, mais qu’il commence souvent par des figures individuelles qui osent remettre en question les normes établies.

Un féminisme implicite

La trilogie n’est pas un manifeste féministe explicite, mais elle porte en elle des messages puissants.

Éloge des femmes fortes: Elle montre que les femmes, même dans des contextes oppressifs, peuvent être des forces de changement et des figures de pouvoir.

Critique du patriarcat: À travers les luttes de Mara, la série met en lumière les injustices du système tsurani et les moyens de les subvertir.

Extrait de la couverture de l'édition française de 2001 du tome 2 de la Trilogie de l'Empire chez Mister Fantasy / Reine Noire. On y voit Mara, une jeune femme aux trais asiatiques vétue d'une tenue violette. Derrière elle, une pleine lune.

Conclusion

La trilogie de l’Empire est souvent citée comme l’une des œuvres les plus marquantes de la fantasy politique. Elle a influencé de nombreux auteurs en montrant qu’un récit de fantasy pouvait être aussi complexe et nuancé qu’un roman historique. Elle est également remarquable pour son exploration de thèmes rarement abordés dans ce genre, tels que les inégalités sociales, les stratégies économiques, et le rôle des femmes dans des sociétés rigides.

C'est une œuvre incontournable pour les amateurs de fantasy sophistiquée et immersive. Elle se distingue par sa profondeur politique, la richesse de son univers, et la complexité de son héroïne. Cependant, elle exige une certaine patience et une attention aux détails pour en savourer pleinement les subtilités. Pour ceux qui recherchent une alternative à la fantasy centrée sur les quêtes épiques et la magie omniprésente, cette trilogie est une perle rare.

Points forts de la trilogie

Points faibles potentiels