Je suis une femme trans et lesbienne
Drapeaux des fiertés trans et lesbiennes entremêlés
En cette journée de visibilité lesbienne, je voudrais vous parler comment, moi femme trans, je vis le fait d'être lesbienne. Ceci n'est qu'un témoignage, mon ressenti. En aucun cas, cela ne se veut ni n'a valeur de généralité, encore moins d'une invisibilisation des lesbiennes cisgenre.
Comme vous le savez toustes, je suis une femme trans. Depuis aussi loin que mes souvenirs sont précis, je me suis toujours sentie femme. Je n'ai jamais été attirée par les hommes. Certain·e·s diront : "normal : tu étais un mec." Non ! Je ne l'ai jamais été. Si vous le pensez, vous pouvez arrêter votre lecture ici.
Cependant, ayant vécu socialement comme un homme pendant une cinquantaine d'années, ayant fait mon coming-out il y a à peine deux ans, même moi, je peine à me trouver légitime en tant que lesbienne.
Aparté : une de mes craintes en commençant mon THS était que ça affecte mon orientation sexuelle. Je n'arrive pas à m'imaginer flirter, encore moins être dans les bras d'un homme. Je n'ai rien contre vous, messieurs, juste que c'est comme ça.
Du coup, je vis un syndrome de l'impostrice. Je suis attirée par les femmes. Mais je suis incapable de les aborder en tant que femme trans (c'est peut-être pareil pour les femmes cis lesbiennes, je ne sais pas). Je ne me sens pas légitime de le faire.
Quand j'étais socialement un homme, il n'y avait pas de problème. J'étais dans la norme. Je me suis prise des râteaux, j'ai eu des liaisons, je me suis mariée. Même si au fond de moi, j'étais déjà Gwendoline, c'était plus simple. Socialement, j'étais dans la norme.
Aujourd'hui, je ne sais plus. N'ayant pas encore fait de chirurgie de réassignation sexuelle, je me sens encore moins légitime. Je ne sais pas comment je réagirai si une femme et moi avions un flirt, nous nous retrouvions nues face à face. Comme évoqué dans mon billet sur ma transition, ce truc me fait dyspho++
Quelque part, je suis très contente que mon THS ait inhibé ma libido. Non pas que je fusse une obsédée du sexe, mais parce que ça aurait insoutenable d'être dans cet entre-deux, d'avoir besoin de câlins et de rester seule. Les câlins, pas le sexe, me manquent.
En parlant de sexualité, car être lesbienne, c'est aussi être attirée sexuellement par les femmes. Quand j'étais socialement un homme, il m'est arrivé de dire à ma partenaire que j'aimerai qu'elle me suce/mordille les seins. "T'es pas une femme !" m'a-t-elle rétorqué. "Si seulement tu savais" ai-je pensé. Pire, quand je lui avais fait comprendre que j'aimerais qu'elle me pénètre : "c'est pas viril, c'est les PD qui font ça !". Je ne voulais que prendre du plaisir, je voulais être cette femme que sa femme fait jouir par pénétration. Je sais que je ne ressentirai jamais le même plaisir qu'une femme cis. Est-ce que seulement toutes les femmes cis ressentent le même plaisir ?
En fait, parfois, je me dis que je suis dans un entre-deux. Que ça ira mieux après "l'opération". En fait, ça ne changera pas grand-chose. Certes, il n'y aura plus ce pénis. Mais en deviendrai-je pour autant plus désirable ? Ça ne se verra pas comme ça, du moins pas hors de l'intimité.
Je ne me sens pas légitime non plus, car je n'ai pas le vécu social des femmes cis, ni celui de mes sœurs qui ont transitionné depuis plus longtemps.
J'en viens parfois à m'auto-gaslighter, peut-être à cause des discours transphobes qui disent que je ne serai qu'un homme qui n'arrivait pas à avoir de relations sexuelles avec des femmes et qui transitionne afin de coucher avec des lesbiennes. Ai-je vraiment le droit de draguer une femme ?
Suis-je légitime à draguer une femme ? Si j'approche une femme, va-t-elle me voir comme un homme ? Si c'était le cas, ça serait un red-flag. Mais verra-t-elle comme une "vraie" femme ?
Et puis, il y a aussi le fait d'être passée de l'autre côté de la barrière. Les codes ne sont plus les mêmes. C'est comme revivre une puberté, il faut tout réapprendre. Sauf que les autres joueuses sont expérimentées et pas moi. Résultat, j'ai toujours peur de faire une boulette, de ne pas comprendre, de ne pas pouvoir interpréter les messages. Au final, je m'abstiens. Je n'ai pas envie de mettre l'autre mal à l'aise. Et puis il y a l'éternel dilemme : si je lui dis et que je me suis trompée, notre amitié va-t-elle en souffrir.
Pire, si elle me voit comme un homme. Toute la confiance mutuelle établie volerait en éclats. Parfois, je me dis que c'était plus simple avant. Mais d'un autre côté, je sais que le jour où ça arrivera, les choses seront claires. On ne me demandera pas, on ne me demandera plus d'être un homme. Je ne suis pas un homme. Je suis une femme.
Au fond de moi, je sais que je suis légitime à draguer, à m'imaginer faire un bout de chemin avec une autre femme. Être un couple lesbien.
Quoi qu'il en soit je tiens à remercier toutes les lesbiennes qui nous ont soutenues depuis toujours et qui continuent de nous soutenir, encore plus ces dernières décennies. Je pense à vous bien fort, je vous envoie plein d'Amour.
Votre petite sœur,
Gwen
Coeur aux couleurs du drapeau des fiertés lesbiennes